Elle a beau ne le porter dans son ventre que depuis sept mois, on comprend vite que cet enfant charpente toute la vie de Joana. Il est la réponse à son désarroi d'orpheline, l'aboutissement du couple qu'elle forme avec le pâle Jorge, plus qu'une raison d'être, une revanche. Aussi, quand elle perd prématurément les eaux, elle ne perd pas pour autant ses illusions. La bête immonde entre alors dans l'arène hospitalière, baignée par la lueur pâle des néons fatigués. De veulerie en lâcheté, chacun des acteurs de ce drame se montre virtuose dans l'art d'esquiver l'inéluctable. Courant derrière son délire, jusqu'à quel point Joana pourra-t-elle refuser de regarder en face la nudité obscène de l'échec ' "Les eaux de Joana" est le deuxième titre de la trilogie « Paternités ratées » de Valério Romão. Trilogie dans laquelle sont abordés des sujets tus par pudeur sociale. La lecteur retrouve la prose rythmée, élastique de l'auteur. Le texte semble être écrit dans un souffle. Les images sont parfois crues, faites de vues panoramiques ou de zooms. Valério Romão écrit à la manière d'un cinéaste, il aime à dire que son texte est pensé comme un plan séquence. Il raconte des histoires fortes et bouleversantes, toujours d'une grande justesse et ne se laisse jamais aller au sentimentalisme. Dans ce deuxième volet de la trilogie qu'il consacre aux paternités ratées, Valério Romão livre un récit impitoyable, tenant à la fois de l'étude clinique sur l'hystérie et du cinéma de Buster Keaton. Avec la crudité d'une Louise Bourgeois, il célèbre les noces sinistres du désespoir et du dérisoire.